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Soudan du Sud : entre guerre rampante et famine, un accord de paix en lambeaux

UN News

Le Soudan du Sud s’enfonce dans la violence, alors que la famine guette et que la scène politique reste paralysée par les rivalités au sommet de l’État. À un an des premières élections démocratiques promises par les autorités, le pays est au bord du gouffre.

Depuis mars, l’armée sud-soudanaise, fidèle au président Salva Kiir, mène une offensive d’envergure contre les forces du Mouvement populaire de libération du Soudan dans l’opposition, dirigées par son rival Riek Machar. Dans l’Équatoria, au sud, comme dans le Haut-Nil, au nord, deux bastions de l’opposition, l’escalade inquiète : bombardements aériens, villages réduits en cendres, hôpitaux et écoles détruits rappellent les heures les plus sombres de la guerre civile.

La rivalité entre M. Kiir, de la communauté Dinka, et M. Machar, de la communauté Nuer, est au cœur des fractures de la plus jeune nation du monde, qui a sombré dans une guerre civile à dimension ethnique en 2013, deux ans à peine après son indépendance. Un accord de paix, signé en 2018, avait instauré un fragile partage du pouvoir. Mais la récente reprise des combats augure mal de l’avenir.

« On constate une érosion continue des acquis du processus de paix », a reconnu lundi Martha Pobee, Sous-secrétaire des Nations Unies pour l’Afrique, devant le Conseil de sécurité. Les institutions prévues par l’accord de 2018 – qui devait garantir le partage du pouvoir entre MM. Kiir et Machar dans la capitale, Juba – ne fonctionnent plus. Pour preuve, le conseil des ministres du pays n’a pas siégé depuis mars et la méfiance règne entre anciens belligérants.

La mise à l’écart de Riek Machar

Au cœur de la crise actuelle, la mise en résidence surveillée de Riek Machar, ancien premier vice-président du pays et figure incontournable de l’opposition, depuis le 26 mars à Juba. Salva Kiir semble avoir choisi la force plutôt que la cohabitation, mettant de fait fin à l’accord de 2018 qui exigeait la coopération entre rivaux pour préparer les premières élections nationales, en décembre 2026.

Pour George Aggrey Owino, le président de la commission de suivi de l’accord de paix, cette situation, conjuguée à de nombreux licenciements unilatéraux de représentants de l’opposition, constitue « une violation par le gouvernement de l’esprit et de la lettre de l’accord de partage des responsabilités ».

« La confiance est au plus bas, tant entre les anciens belligérants qu’au sein même du camp présidentiel », a quant à lui relevé Murithi Mutiga, spécialiste de l’Afrique au sein du think tank indépendant International Crisis Group, qui participait également à la réunion du Conseil de sécurité. 

Pour lui, maintenir M. Machar à l’écart ou l’envoyer en exil comporte des risques considérables. Son éloignement forcé en 2016 avait déjà déclenché une insurrection meurtrière. Aujourd’hui, son isolement alimente la colère de sa base, attise les tensions intercommunautaires et fragilise encore la stabilité du pays.

L’effet domino de la guerre au Soudan

La guerre civile dévastatrice en cours dans le Soudan voisin a aggravé une situation déjà explosive. Plus de 1,2 million de réfugiés soudanais ont franchi la frontière nord du pays, et l’acheminement du pétrole vers Port-Soudan, principale source de revenus de Juba, est interrompu. Résultat : les caisses de l’État sont vides et l’aide internationale s’épuise.

Entre avril et juillet, 7,7 millions de Sud-Soudanais ont souffert d’insécurité alimentaire aiguë. Parmi eux, 83.000 se trouvent déjà au seuil de la famine. Et la crise climatique ajoute à la détresse : 95 % de la population est exposée aux chocs environnementaux.

L’heure des choix

Face à cette impasse, les appels se multiplient pour un retour au dialogue. Martha Pobee insiste : « Les déclarations de principe ne suffisent pas : elles doivent se traduire par des actions concrètes et constructives, conformes à la lettre et à l’esprit de l’accord ».

Murithi Mutiga plaide, lui, pour un « plan de sauvetage » élaboré avec les alliés régionaux afin d’éviter l’effondrement de l’État. Une initiative qui pourrait inclure la création d’un forum national pour gérer la transition et préparer une nouvelle Constitution, indispensable à l’organisation de scrutins crédibles.

Le pays est à un tournant. « L’accord revitalisé demeure le seul cadre viable pour briser le cycle de violence », a prévenu Mme Pobee. Les dirigeants sud-soudanais, rongés par leurs rivalités, sauront-ils enfin écouter cet avertissement, avant que la spirale de la guerre et de la faim ne rende toute réconciliation impossible ?

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