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Il est temps de passer à l’action : Renforcer le commerce et l’investissement entre l’Afrique et les Caraïbes dans un contexte de perturbation du commerce mondial (Par Pamela Coke-Hamilton et Benedict Oramah)

Afreximbank
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Par Pamela Coke-Hamilton, Directrice générale du Centre du commerce international et Benedict Oramah, Président d’Afreximbank et du Conseil d’administration de la Banque (www.Afreximbank.com).

En dépit d’une longue histoire commune, les échanges bilatéraux entre l’Afrique et les Caraïbes n’ont jamais dépassé 6 %, selon une étude de l’ITC et de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank). De nouvelles études estiment pourtant qu’il existe un fort potentiel de croissance, pouvant atteindre 2,1 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. La clé de cette croissance réside dans la valorisation de secteurs prioritaires, tels que les minerais, les produits alimentaires transformés, les biens manufacturés, les transports, le tourisme et les industries créatives.  

Nous vivons une période incertaine.

Dans un contexte d’instabilité économique mondiale, de tensions géopolitiques et de fragmentation des chaînes d’approvisionnement, l’Afrique et les Caraïbes se trouvent à la croisée des chemins.

La plupart des pays des Caraïbes sont désormais soumis à un tarif douanier (http://apo-opa.co/455uBCM) uniforme de 10 % (http://apo-opa.co/455uBCM) sur les biens exportés vers leur principal partenaire commercial, les États-Unis — qui absorbent 40 % de leurs exportations totales. Quant aux pays africains, les tarifs dits (http://apo-opa.co/4lIyzZ7) réciproques varient (http://apo-opa.co/4lIyzZ7) entre 10 % et 50 %, le Lesotho étant le plus pénalisé parmi tous les partenaires commerciaux des États-Unis. Ces droits de douane annulent ainsi les avantages accordés par La loi américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA). 

Il s’agit là de véritables défis, en particulier pour les petites entreprises qui doivent s’adapter rapidement, souvent avec des ressources limitées. Mais il existe aussi des perspectives prometteuses à l’horizon — à condition d’avoir le courage de les saisir.

L’Afrique, pour sa part, entre désormais dans la phase de mise en œuvre accélérée de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), sans doute la décision la plus ambitieuse prise par les chefs d’État africains depuis plus de soixante ans. Ce traité peut non seulement transformer le commerce et le développement en Afrique, mais aussi renforcer la capacité des pays africains à négocier dans les forums multilatéraux — consolidant ainsi leur influence collective sur les règles du commerce mondial.   

Les Caraïbes, avec leurs économies de petite taille, éloignées et fortement dépendantes des importations, figurent parmi les régions les plus vulnérables aux chocs extérieurs — qu’il s’agisse de hausses tarifaires, de catastrophes climatiques ou de perturbations des chaînes d’approvisionnement. Cependant, elles ont aussi une réelle opportunité d’investir dans la stabilité à long terme et la croissance économique : en diversifiant leurs exportations et partenaires commerciaux, en transformant leurs produits avant exportation pour conserver davantage de valeur ajoutée, et en renforçant leurs liens commerciaux, tant régionaux qu’internationaux.

Alors que beaucoup adoptent une attitude attentiste face à la prochaine phase du commerce mondial, l’Afrique et les Caraïbes ne peuvent se payer un tel luxe. Fortes d’une histoire socioculturelle commune profondément enracinée, les deux régions ont aujourd’hui une occasion unique de renforcer leurs liens à travers une croissance économique et un développement portés par le commerce, dans un partenariat gagnant-gagnant. Elles peuvent ainsi devenir un modèle de coopération Sud-Sud, capable d’inspirer d’autres régions à suivre leur exemple.

Investir dans le commerce interrégional à valeur ajoutée

Malgré les efforts d’intégration régionale, le commerce entre l’Afrique et les Caraïbes reste limité. Les données du Centre du commerce international (ITC) indiquent que les échanges bilatéraux n’ont jamais dépassé 6 % des exportations totales de chaque région. En réalité, les exportations africaines vers les Caraïbes sont en baisse depuis 2014, tombant à environ 0,1 % depuis 2020. De leur côté, les exportations caribéennes vers l’Afrique restent instables : de 0,8 % des exportations totales en 2020 à 2,3 % en 2022.

Pourtant, le potentiel de croissance est réel : le commerce interrégional, actuellement évalué à 729 millions de dollars US, pourrait atteindre 2,1 milliards de dollars US d’ici cinq ans, à condition de réduire les barrières commerciales et d’investir dans des secteurs clés.

La mise en place d’un corridor commercial formel permettrait de réduire les divergences réglementaires et les barrières non tarifaires. À titre d’exemple, les exportateurs de rhum caribéens font face à un droit de douane de 88 % à l’entrée sur les marchés africains — un frein majeur à leur développement.

Mais la suppression ou la réduction des barrières commerciales ne suffit pas.

L’accès au financement du commerce et de l’investissement est essentiel pour exploiter le potentiel inexploité du commerce de biens à forte valeur ajoutée. Cela est essentiel pour les secteurs prioritaires comme les minerais et métaux, les aliments transformés et les aliments pour animaux, les produits manufacturés, les transports, le tourisme et les industries créatives — des domaines dans lesquels les deux régions disposent d’avantages comparatifs et de synergies possibles. Aujourd’hui, les échanges reposent essentiellement sur des matières premières non transformées, reflétant une absence de collaboration dans les domaines de l’industrialisation, de l’innovation et de la diversification économique. 

La présence d’Afreximbank dans la région, à travers son bureau de la Barbade ouvert il y a deux ans, devrait stimuler considérablement le commerce entre les deux régions À cela s’ajoutent les projets de création du Centre du commerce africain d’Afreximbank (AATC) et de la Banque d’import-export de la CARICOM, une filiale d’Afreximbank.  Par ailleurs, le développement du Système de paiement et de règlement de la CARICOM (CAPSS), en partenariat avec les banques centrales de la CARICOM et Afreximbank, permettra de faciliter les paiements en monnaies nationales au sein de la CARICOM. Grâce à son intégration au système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), le CAPSS accélérera l’intégration des systèmes financiers des deux régions tout en stimulant le commerce et les investissements entre l’Afrique et les Caraïbes.

Dans l’économie créative en pleine croissance, par exemple, les deux régions ont déjà une longue tradition dans les domaines du textile, de la céramique et de la sculpture du bois, et peuvent s’appuyer sur leur patrimoine culturel commun.  La collaboration entre stylistes, musiciens et artistes africains et caribéens offre également un potentiel de croissance important.

Le programme Creative Africa Nexus (CANEX) d’Afreximbank a identifié la mode, le design et l’artisanat comme chaîne de valeur prioritaire. Le financement du programme a été doublé, passant de 1 à 2 milliards de dollars US sur les trois prochaines années, afin de fournir les infrastructures, le financement et les ressources nécessaires pour faire croître les industries créatives africaines et de la diaspora à l’échelle mondiale. La Banque est également en train de mettre en place un fonds de capital-investissement de 500 millions de dollars US pour soutenir les cinéastes africains. Ces efforts reflètent l’ambition nécessaire pour transformer les industries créatives en moteurs de croissance mondiale.

Éliminer les goulets d’étranglement

Pour tirer pleinement parti de ces opportunités de croissance économique, il est essentiel de poser des bases solides. Parmi les principaux obstacles au renforcement du commerce entre l’Afrique et les Caraïbes figurent la faiblesse des cadres institutionnels, les inefficacités logistiques et les carences en infrastructures. En dépit de leur proximité géographique — seulement 1 600 miles les séparent — l’absence de liaisons de transport directes et la faiblesse des cadres réglementaires rendent les échanges entre les deux régions particulièrement complexes.

Malheureusement, la logistique reste un goulot d’étranglement majeur. Les données du Centre du commerce international (ITC) indiquent que 57 % du potentiel commercial non exploité est lié à des problèmes logistiques. Les deux régions obtiennent de mauvais résultats sur l’indice logistique, selon la Banque mondiale, se classant parmi les plus faibles au monde en termes d’efficacité des transports. Il sera essentiel d’investir dans les infrastructures interrégionales, notamment dans les liaisons directes de transport maritime et aérien, l’amélioration des ports et le renforcement des infrastructures numériques.  

Par exemple, Afreximbank dispose actuellement d’une facilité de crédit de 3 milliards de dollars US pour les pays de la CARICOM, afin de stimuler l’infrastructure commerciale et la compétitivité des petites entreprises. Ce sont ces types d’accords, lorsqu’ils sont reproduits, qui font la différence à long terme.

Donner aux petites entreprises les moyens de saisir leur chance

Néanmoins, tout cela pourrait être vain si les petites entreprises des deux régions ne sont pas en mesure d’agir et de saisir elles-mêmes ces opportunités. Le projet de renforcement du commerce et de l’investissement entre l’Afrique et les Caraïbes, une initiative menée par Afreximbank et le Centre du commerce international (ITC), établit des liens essentiels entre les secteurs privés d’Afrique et des Caraïbes. Cette entreprise ambitieuse vise à favoriser non seulement des partenariats commerciaux stratégiques, mais aussi des liens culturels. En collaboration avec l’Organisation du secteur privé des Caraïbes et l’African Business Council [Conseil des entreprises africaines], le projet permet aux deux régions d’identifier des opportunités économiques et de stimuler les échanges entre entreprises, ouvrant ainsi la voie à une synergie dynamique pour transformer le paysage économique de l’Afrique et des Caraïbes.

Les petites entreprises, qui représentent l’ossature des économies africaine et caribéenne, restent insuffisamment représentées dans le commerce international. La toute première Réunion ministérielle mondiale dédiée aux petites et moyennes entreprises (PME) s’est tenue ce mois-ci à Johannesburg, sous l’égide du Centre du commerce international (ITC) et du gouvernement sud-africain, dans le cadre de la présidence sud-africaine du G20. Afreximbank a facilité la participation de 15 ministres, dont 10 venus d’Afrique et 5 des Caraïbes. Quelques jours plus tard, le Forum sur le commerce et l’investissement entre l’Afrique et les Caraïbes (ACTIF) débutera à Saint George’s, à la Grenade, du 28 au 30 juillet 2025, dans la poursuite des efforts en cours pour renforcer les échanges commerciaux et les investissements entre les deux régions. Pour participer, veuillez visiter https://ACTIF2025.com.

Notre alliance va bien au-delà d’une simple réponse aux incertitudes mondiales ; elle constitue un véritable modèle de commerce inclusif, résilient et axé sur les opportunités du XXIe siècle. En unissant leurs forces, l’Afrique et les Caraïbes peuvent démontrer que le commerce Sud-Sud est une solution concrète en cette période de profonds bouleversements.

Distribué par APO Group pour Afreximbank.

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