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Des découvertes au développement : croissance stratégique dans les bassins pétroliers et gaziers africains (Par Elizaveta Evseeva)

African Energy Chamber

Par Elizaveta Evseeva, International Fellow, Chambre africaine de l’énergie (https://EnergyChamber.org).

La frontière des hydrocarbures en Afrique est à un tournant. De vastes zones restent sous-explorées, mais les récentes avancées laissent entrevoir une croissance délibérée et stratégique. La situation dans ces bassins — une série de découvertes en eaux profondes à fort impact en Afrique australe et occidentale, parallèlement à un regain d’intérêt pour les ressources terrestres en Angola — remet en question l’ancienne logique selon laquelle le succès de l’Afrique dépend uniquement des mégaprojets. Ces développements soulignent à quel point la géologie, les infrastructures d’exportation et la politique intérieure doivent être prises en compte conjointement lorsqu’il s’agit d’évaluer les perspectives commerciales d’un bassin.

La renaissance de l’Afrique australe

Selon les perspectives énergétiques africaines pour 2026 publiées par la Chambre africaine de l’énergie, le bassin Orange en Namibie est devenu l’épicentre de l’exploration africaine. La découverte de TotalEnergies au large des côtes namibiennes est plus qu’une simple découverte en eaux profondes : il s’agit d’une avancée majeure qui redéfinit la perception du potentiel de l’Afrique australe par l’industrie. Le développement s’articule autour d’un FPSO de 160 000 barils par jour relié à environ 40 puits sous-marins. Venus entre dans la phase de planification du développement, la décision finale d’investissement étant attendue en 2026 et la première production de pétrole prévue entre 2029 et 2030. TotalEnergies prévoit également de forer le prospect Olympe-1X dans le bloc 2912. Il s’agit d’une aventure audacieuse vers l’ouest, dans des zones inconnues, car c’est le puits le plus à l’ouest jamais foré dans le bassin d’Orange. En cas de succès, cette fermeture à quatre voies dans les formations du Crétacé inférieur pourrait ouvrir la voie à de nouveaux concepts d’exploitation.

La participation de l’Afrique du Sud à cette renaissance ne peut être ignorée. L’extension orientale du bassin témoigne d’une confiance croissante. Citons par exemple Rhino Resources (Volans-1X) et Eco Atlantic (bloc 1). Shell prévoit une campagne de cinq puits en Afrique du Sud, à proximité de ses découvertes en Namibie. Cela met en évidence le potentiel transfrontalier du bassin. Cependant, les contraintes commerciales (conditions fiscales strictes, difficultés de monétisation, complexité géologique) et les obstacles juridiques, tels que les contestations judiciaires en cours concernant les autorisations sismiques/d’exploration pour la Wild Coast et les licences connexes, continuent de ralentir le calendrier.

L’Angola présente une dualité fascinante en matière d’exploration frontalière. Les eaux ultra-profondes restent une opportunité de premier ordre, en particulier avec le puits Quitexe-1 d’Azule Energy (joint-venture Eni-BP) dans le bloc 47. Cependant, la véritable surprise pourrait venir de la terre ferme. Le bassin du Kwanza, inactif depuis quatre décennies, pourrait voir son premier puits d’exploration pré-salifère depuis les années 1980. Le forage prévu par Corcel en 2026 de la structure Sirius, qui pourrait contenir un milliard de barils, représente un pari à contre-courant qui pourrait ouvrir une toute nouvelle province pétrolière. Les accords sont soumis à des approbations finales. Les réformes institutionnelles, réglementaires et contractuelles actuellement mises en œuvre par le gouvernement angolais revêtent une importance particulière. Notre récente étude State of African Energy 2026 Outlook examine ces réformes en profondeur.

Renaissance de l’Afrique de l’Ouest

La Côte d’Ivoire s’est positionnée comme une destination d’exploration incontournable. Le puits Civette-1 de Murphy Oil sera foré par le Deepwater Skyros au quatrième trimestre de cette année. Ce puits pourrait révéler de nouveaux concepts d’exploitation dans une zone éprouvée par le champ Baleine d’Eni. Le portefeuille de prospects comprend Caracal, qui présente un potentiel de 150 à 360 millions de barils, et Kobus, avec jusqu’à 1,26 milliard de barils. Ces chiffres démontrent l’importance des opportunités restantes.

La renaissance plus large du golfe de Guinée s’étend à des juridictions souvent négligées. São Tomé-et-Príncipe, la deuxième plus petite nation d’Afrique en termes de superficie, illustre cette tendance. Le forage exploratoire Falcao-1 de Shell dans le bloc 10 est prévu pour fin septembre 2025. Il s’appuie sur la découverte Jaca-1 de Galp Energias en 2022, qui a mis en évidence un système pétrolier opérationnel. La vision actualisée de la géologie souterraine ressemble désormais à celle de pays déjà producteurs comme le Gabon et la Guinée équatoriale. En conséquence, les projets de forage pour 2026-2027 se multiplient.

L’exploration en eaux ultra-profondes en Afrique de l’Ouest en est encore à ses débuts, avec peu de puits s’aventurant à plus de 3 000 mètres de profondeur dans cette région. À ce titre, la région reste l’une des dernières véritables frontières pour l’exploration offshore.

Recadrer les risques et les récompenses

Les récentes explorations en Afrique révèlent une vérité surprenante : les « échecs » peuvent être précieux. Les puits non commerciaux qui rencontrent des roches mères ou présentent des systèmes pétroliers peuvent sembler décevants, mais ils contribuent à affiner les modèles de bassins et à réduire les coûts d’exploration futurs. Même quelques succès techniques, même s’ils ne sont pas viables sur le plan commercial, peuvent réduire considérablement les coûts de découverte prévus pour un bassin. Les portefeuilles qui s’adaptent rapidement aux informations négatives et modifient leurs stratégies d’exploration ont tendance à obtenir de meilleurs résultats que ceux qui restent fidèles aux anciens modèles géologiques.

Les investisseurs privilégient souvent les méga-gisements, en particulier dans les zones à haut risque en Afrique. Cependant, les projets pétroliers plus petits et plus rapides présentent de nombreux avantages. Ces projets peuvent agir comme un multiplicateur de force en matière de politique publique et fournir des flux de trésorerie clairs susceptibles de modifier les incitations gouvernementales. Citons par exemple le gisement de Sangomar au Sénégal, qui a accéléré l’octroi de licences grâce à des revenus précoces, et les petits raccordements postérieurs à 2018 en Angola, qui ont soutenu les services locaux et incité à des réformes réglementaires.

De multiples développements modestes de FPSO renforcent la bonne volonté politique. Cela réduit mieux les risques politiques futurs qu’un seul grand projet. Les flux de trésorerie précoces ont le potentiel de modifier le paysage politique en accélérant les cycles d’octroi de licences et en soutenant les projets locaux. Des entreprises telles que Rhino Resources utilisent une approche « first-to-first-oil » (premier à produire du pétrole), qui consiste à donner la priorité à une production précoce et à petite échelle afin de renforcer leur présence et leur pouvoir de négociation. Elles considèrent la production précoce non seulement comme une source de revenus, mais aussi comme un investissement clé pour obtenir un meilleur accès et de meilleures conditions à l’avenir. Les projets de moindre envergure permettent également de mieux relever les défis liés au capital humain en Afrique que les mégaprojets. Ils répartissent l’emploi dans toutes les régions sans submerger les capacités locales. Cela permet un transfert progressif des compétences et évite les cycles d’expansion et de récession qui ont frappé les économies minières ailleurs.

Transformer les découvertes en développement La prochaine vague d’exploration en Afrique défie toute caractérisation simple. Il ne s’agit pas seulement d’un boom ou d’une exploration prudente. Il s’agit d’une avancée intelligente et multiforme vers les derniers bassins inexplorés du monde. L’image de l’Afrique comme une région à haut risque et à rendement rapide est en train d’évoluer. Aujourd’hui, des investissements patients, des infrastructures solides et une planification minutieuse sont aussi essentiels que les compétences géologiques. Les entreprises qui considèrent les puits en eaux ultra-profondes comme des opportunités de créer des réseaux, préfèrent les ajustements rapides aux plans rigides et voient la valeur d’une production précoce pourraient en tirer davantage profit. En mettant l’accent sur des infrastructures solides, en renforçant les compétences locales et en développant plusieurs sites de production plutôt que de grands projets, cette nouvelle vague d’exploration pourrait enfin exploiter le potentiel énergétique tant attendu de l’Afrique.

Distribué par APO Group pour African Energy Chamber.

À propos d’Elizaveta Evseeva :
Elizaveta Evseeva est étudiante en dernière année à l’École supérieure d’économie (HSE) de Moscou, où elle se spécialise en économie internationale, études africaines et développement. Elle travaille actuellement à la Chambre africaine de l’énergie et à la Faculté des sciences économiques de la HSE. Auparavant, elle a été analyste au Centre d’études africaines (HSE) et à la Banque centrale de la Fédération de Russie.

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